J.
Jilll, November 27, 2023
Day 38, Nov. 14
your small bodies flowers of blood
your dreams blown away with the wind
Jilll have previously shared her poetry in Kareem James Abu-Zeid’s translation and now share more of Olivia Elias work, taken from Your Name, Palestine, read by Jérémy Victor Robert co-translator with Sarah Riggs.
J.
Jilll, November 22, 2022
Kareem James Abu Zeid lit des extraits de Chaos, Crossing, dont il est le traducteur.
A.
Arablit, November 13, 2023
In Conversation : Palestinian Poet Olivia Elias
In September 28, 2023, around book-launch events in Brooklyn, Palestinian poet Olivia Elias, based in France, sat down with translators Sarah Riggs and Jérémy Victor Robert to talk about her new collection in English, Your Name, Palestine.
F.
Full Stop, mai 2023
Interview d’Olivia Elias, par Hannah Assadi, auteure, 30 mai.
A.
Asymptote Blog, May 11, 2023
Reading Palestine in French: In Conversation with Kareem James Abu-Zeid.. Interview du traducteur de « Chaos, Crossing » par Tuğrul Mende, centrée sur les spécificités de l’ouvrage du point de vue poétique et la traduction du recueil, 11 mai.
I.
Interview pour le journal/site Al Araby el Jedeed (publiée en arabe), avril 2019
A quoi pensez-vous ces jours-ci?
Ces derniers temps, quelque chose que je connais bien, et que je m’évertue à tenir à distance, m’a rattrapé. La tristesse liée au sentiment de n’appartenir à rien, d’être séparée des miens – bannis et éparpillés sur tous les continents. Cette fois encore, le travail sur la matière des mots m’a aidé à passer le cap. Ces moments difficiles m’ont incité à plonger dans les profondeurs, à trouver en moi et dans les relations avec ce qui m’entoure les ressources pour exprimer désarroi, souffrance, doute, mais aussi puissance des forces de vie. Outre les mots, la mémoire sensorielle m’a toujours aidée. Je suis intimement persuadée, en effet, qu’avant même ma naissance, j’ai été ravie (au sens « durassien » du terme) par la beauté de Palestine, le bleu du ciel, la qualité de la lumière, l’harmonie du végétal, du minéral et de l’architecture, les saveurs, les odeurs. Inscrite dans chacune de mes cellules, cette beauté a fait de moi une fille de Méditerranée. Et grâce à elle, je ne suis pas coupée de mon pays natal – même si j’en suis séparée physiquement – car il vit en moi et dans mes poèmes.
La réalité, dure, violente, subsiste néanmoins. Concrètement, que faire pour mettre fin à l’oppression, comment tenir bon quand tout semble désespéré ? Je réponds en m’accrochant à l’espoir comme une noyée s’accroche à une bouée – un espoir fou, aussi fou que la folie qui s’exerce sur nous. Cela vaut, à mon sens, pour la Palestine et pour le monde. Bien sûr, l’espoir ne résout pas tout mais il constitue, pour moi, le moteur essentiel de l’action ; sans espoir, je baisserais les bras, et peut-être n’écrirais même pas.
Quel est votre dernière œuvre, et la prochaine ?
Mon dernier recueil, Chaos, Traversée. Comme l’indique le titre, j’y parle du chaos qui m’a entouré et j’évoque, dans la dernière partie, souvent sur le ton de l’autodérision, la manière dont je l’ai traversé. La première version était prête il y a un an et, le temps que s’achève le travail de révision/édition, j’ai continué d’écrire en explorant, comme à chaque fois, de nouveaux thèmes et en tentant de faire évoluer ma manière de dire. C’est ainsi que je procède depuis 2013, l’année où suite à l’opération israélienne Pilier de défense contre Gaza, j’ai décidé de publier – mue par un immense sentiment de colère – Je suis de cette bande de sable, mon premier recueil (j’écris depuis toujours sans avoir jamais envisagé une telle chose).
Etes-vous satisfaite de votre travail et pourquoi ?
Globalement, je suis satisfaite de l’évolution. Voilà 7 années que j’écris de manière très régulière, et parfois très intensive. Au début, mes poèmes étaient collés à l’actualité, peu distanciés. On y sentait l’influence de mon passé militant. J’avais besoin d’exprimer la colère, la rage que je ressentais et, dans les faits, cela m’a aidé à me calmer, me pacifier. Toutefois, la poésie est autre chose qu’un exercice psychanalytique. Avec Ton nom de Palestine – dont la première partie est une mini épopée, conçue pour deux voix avec accompagnement de musique – j’ai poussé plus loin le travail symbolique et de distanciation. J’ai poursuivi avec Chaos,
Traversée. Je parle, par exemple, de la Naqba en empruntant au langage géologique et cosmique – choc des continents, éclatement du temps. Ailleurs, j’évoque mon expérience de l’instabilité à partir de l’expression terre ferme, banale pour tant de gens. Et pour dire à quel point l’emprise israélienne violente sur les Palestiniens rend leur vie impossible, j’attribue aux étoiles le désir de migrer vers des contrées où le bonheur est moins précaire.
Alors que je suis très classique de formation et que ma poésie se caractérise jusqu’ici par sa veine lyrique (formée comme je l’ai été par la lecture intensive de Rimbaud, Aragon, Lorca, Darwich, Césaire, Neruda…), je m’intéresse de plus en plus à d’autres formes d’écriture. Dans mon prochain livre, je tente d’aller vers la simplification grammaticale, mais ce n’est qu’un début (il n’est pas facile de casser le moule). Je m’autorise aussi plus de liberté. J’ai envie de juxtaposer poèmes et pensées s’apparentant à des aphorismes en élargissant l’éventail des thèmes (même s’il me semble que la tendance en édition soit de dérouler un fil conducteur et non plusieurs).
Bien que je ne sois pas une théoricienne de l’écriture, je m’interroge en permanence : pour qui, pour quoi la poésie ? Il n’y a pas de réponse univoque. On ne peut épuiser le mystère de la poésie. Elle va son chemin, indifférente à autre chose que la pulsion qui pousse à tracer des signes qui feront sens pour soi, et peut-être pour d’autres. Elle est cri, résistance, jeu, contemplation, union et, en définitive, confrontation avec cette chose qui s’offre et se retire à la fois. C’est pourquoi, aujourd’hui, l’écriture minimaliste me tente mais pas exclusivement puisque les petites choses du quotidien m’inspirent de plus en plus (une tasse de café, un ongle qui se fendille peuvent déclencher l’acte d’écrire). Cela ne signifie pas que j’abandonne les « grands » thèmes, très présents dans les premiers recueils, mais je souhaite maintenant qu’ils s’intègrent de manière naturelle dans les poèmes dits « personnels ». En ce qui concerne la Palestine, thème longtemps majeur, j’ai senti que le risque était grand de céder à la facilité et de me répéter. J’ai donc décidé de me limiter, c’est-à-dire de moins écrire et surtout de moins publier à ce propos. Dans Chaos, Traversée, j’ai tenu également à inclure une troisième partie, personnelle, qui rassemble des poèmes de facture différente. Et je continue depuis avec des textes inspirés par l’humeur du jour, l’âge qui finit toujours par nous rattraper ou tout simplement l’envie de chanter une petite chanson…
Pour résumer, j’ai l’impression, aujourd’hui, que tout est matière à poésie et je n’ai pas envie de me cantonner à un seul thème ou un seul style.
Parlant de la situation du monde, que souhaitez-vous?
Je dirais bienveillance. Etymologiquement, le mot a deux origines, proches toutefois. La première, bona vigilantia », signifie veiller au bien d’autrui, être attentif à. La seconde, benevolentia, désigne la capacité de vouloir le bien de l’autre. Les deux propositions me conviennent. Pour moi, bienveillance implique la reconnaissance d’une responsabilité à l’égard de ce qui m’entoure, humain, végétal, animal. Concrètement, c’est une invitation à ne pas vivre aveugle ou sourde à tout ce qui ne concerne pas mon propre confort.
Alors que l’interdépendance et la communication constituent des conditions nécessaires à l’apparition/maintien/développement du vivant, le monde fonctionne, à l’inverse, comme une implacable machine à désassembler. Il le fait en invisibilisant tous ceux qui entravent sa recherche de profit et qui ne correspondent pas au modèle de succès individuel. La liste est longue de ceux qu’il veut exclure de « la vie belle », pour reprendre l’expression de la philosophe Judith Butler. Peuples opprimés, migrants, cabossés, ceux du mauvais sang, de la mauvaise couleur/religion, etc., etc. Et je ne parle pas du végétal et de l’animal, et encore moins de ce que les cinq sens ne peuvent immédiatement appréhender.
Je ne voudrais pas tomber dans l’angélisme. Tous les poètes ne font pas preuve de bienveillance mais il me semble que la pratique de la poésie peut y aider parce qu’elle développe la capacité d’écoute et d’observation. En ce qui me concerne, je la vois, aujourd’hui, comme une exploration de soi et du monde et de leurs rapports réciproques, comme une tentative de rassembler ce qui – en soi et hors de soi – est désassemblé.
Y a-t-il une personnalité, aujourd’hui décédée, que vous auriez aimé rencontrer et pourquoi cette personne en particulier?
J’aimerais rencontrer une personnalité de demain, homme ou femme, qui jouerait le rôle assumé, dans leur temps, par Mandela, Ghandi, Martin Luther King. Nous avons un besoin urgent de personnalités de cette stature, inspirantes, capables de rassembler, de mobiliser et – par leur force morale et leur capacité d’entraînement – de générer de grands changements sociaux et politiques.
Un ami auquel vous pensez, un livre que vous relisez souvent ?
Lama Gundune, moine tibétain, que je qualifierai non d’ami mais de protecteur. Après avoir passé sa vie à méditer, il quitta à 60 ans le Tibet pour la France, à la demande de son supérieur. Je l’ai écouté pour la première fois alors qu’il s’adressait, par le truchement d’un traducteur, à quelques centaines de personnes. Arrivée en retard, je m’étais assise au fond de cette grande salle de l’Unesco. Lorsque je l’ai vu de loin, je me suis dit : il existe encore des sages, pas seulement dans les livres. C’est ce qu’on appelle la transmission de coeur à coeur, une transmission qui se poursuit même si Lama Gundune a, depuis quelques années, quitté son corps.
Que lisez-vous à l’heure actuelle?
Sur ma table de chevet, Volker Braun (Poèmes choisis), poète à l’humour décapant dont la vie et l’oeuvre sont étroitement liées à l’histoire de la RDA ainsi qu’aux dérives du système bureaucratique socialiste et de l’économie libérale qui l’a remplacé. Giacometti (Pourquoi je suis sculpteur) qui effaçait/détruisait ce qu’il avait fait la veille et recommençait, motivé par le désir, disait-il, de comprendre les raisons du ratage.Du côté de l’écriture minimaliste, André du Bouchet (Ici en deux). A nouveau, Emily Dickinson. J’ai aussi ressorti, Friedricke Mayrocker (Scardanelli), poète autrichienne qui a l’art de constituer un puzzle poétique en rassemblant des éléments épars du passé et du présent. Et je relis Tanikawa Shuntaro (L’ignare), né en 1931, l’un des auteurs les plus appréciés au Japon. Capable de créer, à partir de sujets banals, triviaux, des moments de grâce, il affirme que mort et poésie sous tendent une vie car l’une comme l’autre nous demeure inconnue. Position qu’il pousse jusquà récuser, lui l’ignare, l’appellation de poète.
Qu’écoutez-vous ces jours-ci ? Pourriez-vous partager une experience musicale avec nous ?
De la musique classique, en particulier Schubert, ainsi qu’Angélique Ionatos, compositrice et chanteuse grecque dont j’adore la voix – elle a mis en musique plusieurs poètes de son pays, comme Odysséas Elytis, prix Nobel de littérature.
Enfin, en réponse à la seconde partie de la question, j’avais 16 ans et quelque et j’avais tout juste quitté Beyrouth pour Montréal où je devais poursuivre mes études. Il faisait moins vingt, le ciel était bas et blanc et j’écoutais en boucle Léo Ferré chantant Louis Aragon. C’était un temps déraisonnable/ On avait mis les morts à table/On faisait des chateaux de sable/On prenait les loups pour des chiens/Tout changeait de pôle et d’épaule/La pièce était-elle ou non drôle/Moi si j’y tenais mal mon rôle/C’était de n’y comprendre rien…/ (Est-ce ainsi que les hommes vivent). Et aussi en hommage à Elsa, un poème furieusement romantique dont voici quelques versets. C’est miracle que d’être ensemble/Que la lumière sur ta joue/Qu’autour de toi le vent se joue/Toujours si je te vois, je tremble,…./Je suis né vraiment de tes lèvres/Ma vie est à partir de toi (Le roman inachevé).
Vous voyez, même lorsqu’il s’agit de musique, la poésie est toujours présente.